La prostituée et le bébé

4 mars 2017 à Paris, la température s'était faite soudainement bien plus douce que les jours précédents. En fin d'après-midi alors que je sortais de mon appartement, j'ai senti le soleil me caresser avec sa chaleur et aussitôt me sont revenues de lointaines sensations de bien-être propres à l'été. Les passants qui sortaient du travail portaient leurs manteaux à la main et semblaient autant ravis que moi-même, à cette période de l'année ils ne prenaient pas encore le soleil pour acquis. Je percevais dans leur regards satisfaits la hâte de prendre une veste plus légère le lendemain matin en quittant leurs domiciles. Non loin, je me suis rendu en marchant au croisement de Strasbourg-St-Denis, un ami à moi devait m’y rejoindre. Il avait du retard. Je me suis installé contre une barrière, il y avait un fast-food KFC avec de grandes baies vitrées juste à côté de moi. Il était peu rempli et à l'intérieur de celui-ci, j'ai vu une famille composée d'une mère, d'un père, et de leur enfant qui devait avoir environ 2 ans. Ils finissaient leur repas. C’était le bébé qui était situé le plus proche de la baie vitrée. À quelques centimètres de lui, de l'autre côté de la vitre, une prostituée attendait des clients. Elle portait une robe rouge moulante et des chaussures assorties. Le bébé s'est mis à l'a regarder fixement. Elle a fini par le voir aussi, elle lui a souri et il a répondu par un sourire encore plus grand. En maintenant le regard avec le bébé, elle a ensuite fait un pas sur le côté en restant statique au niveau de la partie haute de son corps comme un robot. Le bébé a exulté de rire. J'entendais ses talons aiguilles tapoter le trottoir au gré de ses mouvements. Elle continuait en se cachant derrière un panneau publicitaire et en réapparaissant brusquement. Le bébé ne pouvait plus s'arrêter de rire, si bien qu'il menaçait de tomber à la renverse sur sa mère. Tout en assistant à la scène les parents arboraient également un sourire prononcé, sans aucune retenue. Ils m’ont semblé avoir été ensemble, dans tout la grandeur du mot, tout les quatre pendant un bref moment. Autour de moi, personne ne semblait y prêter attention, mais je n’aurai pas voulu qu’il en soit autrement. Je me sentais privilégié d'en avoir été l’unique spectateur.








Illustrations et broderie réalisées avec l'aide de Victoire Bondoux.